Essoufflant

La semaine dernière, après le concert de Quasar, un quatuor de saxophones, la directrice artistique, en parlant de la complexité de l’organisation des concerts et des tournées en ces temps de quasi retour à la normale a fini par lâcher, après une pause, « c’est essoufflant ». Puis elle a, pour la nième fois, d’un geste automatique, rajusté son masque sur son nez.

Problèmes liés aux voyages et aux règles sanitaires qui varient d’une place à l’autre, absence de musiciens pour cause de tests positifs, quarantaines, annulations, reports, incertitude en tout, c’est une véritable course à obstacles que les gens du spectacle doivent réussir avant de remonter sur scène ici et ailleurs.

Une infirmière, un médecin, un commis d’épicerie, une enseignante aurait utilisé le même mot, je ne l’aurais sans doute pas relevé, mais venant d’une saxophoniste soprano, après un concert enlevant, rempli de souffle, précisément — y avait même une pièce intitulée Breathing Room, ça ne s’invente pas — il a résonné. J’ai entendu d’autres artistes parler de ces même complications en disant qu’elles étaient stressantes, chiantes, épuisantes, décourageantes, vraiment pas nécessaires, ça fait deux ans qu’on attend, mais essoufflant ? C’était la première fois.

Tout le concert avait été une espèce d’hommage au souffle. Coïncidence au sortir d’une pandémie qui a mis du monde sous respirateur artificiel et où on a tous appris à respirer à travers un masque ? Pendant une heure, les quatre brillants musiciens ont soufflé dans leurs instruments et en dehors de ceux-ci. Ils ont transformé leurs saxophones en une meute de loups ou d’hyènes, en oiseaux, entre autres. En deuxième partie de concert, les splendides musiciennes de Flex Ensemble, venues de Hanovre, ont fait la même chose, mais avec des instruments à corde. Oui, un violon peut souffler, un alto et un violoncelle aussi, je l’ai vu.

Je ne sais pas si l’intention de ce concert double était de nous reconnecter avec le souffle vital, mais c’est ce qu’il m’a fait.

Le souffle nous porte, même quand il ne fait pas vibrer les cordes vocales ou la anche d’un saxophone. C’est le souffle qui nous donne l’élan, lui qui traverse les oeuvres, qui nous fait avancer jour après jour. Et quand on est gonflé à bloc, on n’a pas peur de foncer.

J’espère que la covid et tout ce qu’elle a entrainé à sa suite ne nous aura pas essoufflés tout à fait, parce que sans souffle, on n’allumera pas de grands feux.

Crédit photo : Viktor Forgacs sur Unsplash