Depuis quelques années, plusieurs lieux publics ont troqué les cassettes de musak pour la musique en continu de Spotify en version gratuite, ce qui signifie que la musique est régulièrement interrompue par de la publicité. C’est le cas au gym que je fréquente, ce qui me donne l’occasion de me tenir aux faits de la musique populaire et de la réclame radiophonique.
J’entends régulièrement une pub des producteurs laitiers du Canada qui nous vante les pratiques environnementales exemplaires desdits producteurs, qui travaillent à un «futur durable». Chaque fois, mon pied s’arrête, mon sang afflue à mon cerveau: c’est quoi, un futur durable? Ça dure combien de temps? Le temps moyen d’une vie? Une vie d’être humain ou une vie de vache laitière? Ça ressemble à quoi un futur durable?
Développement durable
Le concept de développement durable englobe le présent et l’avenir: on soigne bien nos vaches à lait pour qu’elles répondent à nos besoins aujourd’hui et qu’elles soient encore capables de répondre aux besoins des futures générations. Ce n’est pas le futur qui est durable, mais le développement (économique). Autrement dit, si on développe l’économie de manière durable – en pensant aux autres et à l’avenir -, on augmente nos chances à tous d’avoir un avenir sur terre. Ce concept remonte à 1987 et à la Commission Brundtland, mise en place par l’ONU. Développement durable est la traduction de l’anglais sustainable development.
Développement endurable
Depuis que le mot durable est entré dans la langue du marketing et qu’on le saupoudre à l’envi pour laver plus vert que le voisin, je me dis qu’on aurait dû traduire sustainable par endurable. Il me semble que ce serait plus juste et plus honnête. Les annonceurs pourraient alors nous promettre un avenir endurable, et on comprendrait de quoi ils parlent.
Selon Antidote, l’anglais to sustain vient de l’ancien français (Xe-XIVe siècle) sostenir, « to endure », qui vient lui-même du latin classique sustinere « to endure ». To endure en anglais, c’est comme endurer en français, c’est réussir à supporter quelque chose de désagréable ou même pénible, pendant une assez longue période de temps. On peut endurer la chaleur, la douleur, un voisin fatigant.
Durable, ça veut dire qui dure. Un développement durable, ce serait donc un développement qui dure, qui dure et qui dure. Un développement endurable, ce serait un développement que la Terre pourrait endurer. Au train où on vide les océans, où on épuise les minéraux, où on assèche les cours d’eau, j’ai l’impression que la Terre achève de nous endurer. Elle, elle va durer.
Le futur qu’on nous annonce tous les jours aux actualités à coups de sècheresses, d’inondations, de feux de forêts, de désertification, d’éboulis, de fonte des glaces, de montée des océans, de réservoirs vides, de nappe phréatique contaminée, de déplacés climatiques, de virus mortels, d’espèces menacées et de menaces de guerres pour l’exploitation des minéraux, je me demande à quel point il sera endurable.